Oubliée, méconnue, parfois évoquée mais rarement véritablement mise en lumière, la culture d’entreprise recèle des trésors inexploités. Plus que jamais, sur fond de crise pandémique et de transformation digitale accélérée, l’authenticité et la façon d’appréhender l’humain représentent une grande force pour les entreprises. Porteuse de sens et vecteur de l’humain, la culture d’entreprise est une boussole idéale pour guider un repositionnement RH et communication alignés. D’un marketing traditionnellement désincarné à l’affirmation d’une véritable identité culturelle, l’heure est au changement de cap.
La puissance de la culture
Chacun d’entre nous a son propre vocabulaire, ses expressions favorites. Chacun d’entre nous a ses habitudes. Ses règles de vie. Ses réflexes. Ses goûts.
Notre rapport au monde et notre dialogue avec autrui se construisent à travers notre histoire, notre éducation, notre vécu, nos règles intérieures.
Nous voyons la vie à travers le prisme de notre culture, modelé par nos références et notre environnement.
C’est une réalité : notre culture façonne le regard que nous portons sur le monde et définit notre rapport au monde. Elle est la boussole intérieure qui dirige nos comportements. Elle est notre guide invisible, insoupçonné, inavoué de tous les instants et de toutes les situations.
Tous les jours, nous interagissons sous la puissante influence de notre bagage culturel. Nous n’en sommes pas conscients.
Il en va de même pour l’entreprise. Toute entreprise a sa culture.
La culture d’entreprise demeure une réalité aussi occultée que mal exploitée. Effectivement difficile à cerner, elle est souvent mal comprise, donc évacuée sous couvert de pragmatisme. Pourtant, bien au-delà d’un concept vague ou d’un non-dit flottant, elle se révèle la clé d’un trésor à exploiter.
Comme les individus, les entreprises oublient la puissance de leur culture.
La culture d’une entreprise se construit, entre autres, à travers l’histoire de sa création, son évolution, la personnalité de ses dirigeants, les interactions de ses stakeholders, son organigramme, son fonctionnement hiérarchique, ses règlements ou ses usages internes, son discours de marque, ses habitudes commerciales, sa gestion du risque et j’en passe.
Autant de facettes de la culture de l’entreprise, qui façonnent également son rapport au monde.
La culture d’entreprise, c’est quoi ?
La question n’est certes pas simple. L’écosystème culturel de l’entreprise est très large, tant dans la verticalité de son organisation que dans sa transversalité.
Car la culture d’entreprise ne se réduit pas à un règlement du personnel, une charte de social responsability ou à une liste de valeurs affichée sur le mur de la cafétéria. Elle ne se résume pas à un style de management, à un label écoresponsable ou à une certification sur l’égalité salariale.
La culture d’entreprise existe, dans la PME et dans la multinationale. Elle peut être jeune ou vieille ; des générations de patrons et d’employés l’ont façonnée à travers les décennies. Dans d’autres cas, elle vient de naître avec l’entreprise ou elle renaît sur une transition à mutation profonde.
La culture d’entreprise est partout, à tous les étages, dans tous les rouages, dans tous les bureaux, dans tous les outils, dans tous les tiroirs. En grande partie guidée par la personnalité du patron, elle se trouve à la Direction, mais aussi aux RH, au Marketing, à la Communication, aux Ventes, à la Production, aux Finances.
Elle imprègne tout à la fois les documents officiels et les habitudes informelles. Elle est au guichet, à la boutique, au comité de direction, aux séances de crise, à la cafétéria, à la pause-clope. Elle est se cache dans l’autoritarisme, la coolitude, le port de la cravate, le tutoiement, les interdits, le degré de confiance entre niveaux hiérarchique, la transparence, la gestion des réunions, la flexibilité du travail, la proportion de femmes dans les sphères dirigeantes et même la puissance du volume de radio-couloir.
Elle se traduit dans le logo, la corporate identity, l’image de marque, la pub, la charte des valeurs, les règlements internes, les discours du directeur, ceux des managers, la tonalité des offres d’emploi, les enquêtes de satisfaction internes, les enquêtes de satisfaction client, l’attention portée à la qualité des contacts, la prise de risques.
La culture d’entreprise se traduit dans la plupart des choix que fait l’entreprise, dans l’audace ou dans la retenue, ainsi que dans tous les propos que l’entreprise tient à l’encontre de ses différents publics-cibles.
Elle est dans le visible et dans l’invisible.
La culture d’entreprise se trouve dans tout ce qui est « différenciatif », par opposition à ce qui est légal ou obligatoire.
Il n’est pas forcément utile de chercher à lister de manière exhaustive toutes les facettes qui composent le visage d’une entreprise.
Voici ce que nous dit Wikipédia :
«La culture d’entreprise est un ensemble de connaissances, de valeurs et de comportements qui facilitent le fonctionnement d’une entreprise en étant partagé par la plupart de ses membres.
Selon Elliot Jacques (…) : «La culture caractérise l’entreprise et la distingue des autres, dans son apparence et, surtout, dans ses façons de réagir aux situations courantes de la vie de l’entreprise.»
La culture d’entreprise a cette étrange qualité d’être la chose la plus partagée et la moins formalisée. Dans le monde de la formalisation, l’informel nous échappe alors qu’il constitue la vraie différenciation d’avec les concurrents.»
On n’aurait pas dit mieux.
La (longue) liste de nos questions
Pourtant, la culture d’entreprise ne reçoit, dans la stratégie et dans le daily business, que peu de considération. A tort.
Plus que jamais, la culture d’entreprise représente un point d’ancrage idéal qui agira comme un guide cohérent pour toute organisation.
Aujourd’hui et demain, bien plus qu’hier, la culture d’entreprise est la boussole qu’il faut apprendre à suivre.
Pourquoi ?
Parce que nous vivons un bouleversement des mentalités. Nous nous éloignons à la vitesse grand V d’une société qui fonctionne avec le « marketing à Papa ». Nous vivons une ère marquée par la révolution digitale, la consommation durable et plus généralement la recherche de sens.
Aujourd’hui, quand nous procédons à l’acte d’achat, nous ne nous intéressons pas uniquement à un produit ou à un service. Nous voulons savoir d’où il vient. Qui le fabrique et de quelle manière. Comment les employés sont traités. Si la rémunération du patron est digne d’un pharaon. Si sa chaîne de production est écoresponsable. Si une vraie personne nous répond au téléphone. Si le site web est sympa.
Aujourd’hui, nous recevons en pleine face 3000 messages publicitaires par jour. Non seulement, nous ne les percevons plus, mais surtout, nous n’y croyons plus. Ou si peu. Nous n’adorons même plus le Dieu Prix, nous qui sommes prêts à payer plus cher pour vivre une meilleure «expérience client».
On peut l’affirmer : la liste des questions que nous nous posons est plus longue aujourd’hui qu’hier. Elle sera encore plus longue demain.
C’est pourquoi, dans un contexte sociétal profondément marqué par des interrogations, des évolutions, voire des vertiges, l’éclairage de la culture d’entreprise prend tout son sens.
Ceci à l’égard de tous les publics-cibles de l’entreprise, qu’ils soient externes ou internes, qu’il s’agisse de clients à fidéliser et à acquérir, de nouveaux talents à recruter, de collaborateurs à fédérer et à retenir.
La culture d’entreprise, vecteur de sens
Dans le même temps, la révolution digitale et la toute-puissance des GAFAM invitent les entreprises à jouer leur carte, celle de l’authenticité, de l’humain et du sens. Dans le monde du panier en ligne, où l’on achète autant des produits que des prestations de service, que reste-t-il aux entrepreneurs de terrain… à part leur culture ?
Dans la lame de fond grandissante de la nécessité d’adopter une attitude responsable, vis-à-vis de l’humain et de l’environnement, en plein tourbillon digital, la culture d’entreprise est un vecteur de sens.
Aujourd’hui, plus que jamais, on attend de l’entreprise qu’elle se situe par rapport à son environnement sociétal. Elle se doit dès lors de tenir un discours sincère et cohérent, à l’intérieur et à l’extérieur de ses murs.
Alors, osons-le dire : dans la mer du positionnement, la culture d’entreprise pourrait être le phare de sa stratégie et de ses actions.
Au lieu d’être ignorée et tue, elle devrait occuper une place prépondérante dans l’identification des axes stratégiques et dans la définition l’ensemble de sa communication. Ceci autant comme acteur commercial positionné sur un marché, que comme employeur et recruteur.
L’entreprise à la conquête de son identité culturelle
Aujourd’hui, l’écosystème culturel de l’entreprise fait entièrement partie de son rapport au monde. La société attend de l’entreprise qu’elle incarne sa culture.
Hier, personne n’attendait qu’une entreprise ait une âme et un caractère. Aujourd’hui, des entrepreneurs de talent donnent instinctivement un visage humain à leur entreprise. Ils suivent le guide de leur culture d’entreprise et façonnent leur succès dans leur relation au monde.
Par exemple, le fabriquant de vêtements de sports californien Patagonia considère que les RH constituent les meilleures RP. Entre autres affirmation de sa culture, la société californienne se positionne en employeur qui prend soin de ses collaborateurs: «Nous les laissons être les humains que nous avons engagés.»
En Suisse romande, le marchand en ligne Qoqa parle à ses clients comme à des «potes», avec son langage si unique qui fait sans aucun doute une grande part de son succès, dans le respect de ce slogan «On fait n’importe quoi, mais on le fait pour toi». Au pays des «loutres», l’achat en ligne se fait via le bouton «Yeah, j’en veux un.» Pour une postulation, sous le titre «Qoqa recrute – ta maman sera fière de toi», on actionne le bouton «je suis au taquet».
Au quotidien, l’entreprise, tout comme chacun de nous, doit construire, développer et affirmer son identité, à la manière du personal branding. Elle doit veiller à faire converger ses actions et sa personnalité par l’expression et l’affirmation de sa culture d’entreprise.
Tout comme nous, elle doit se définir par des choix forts, établir sa voix dans le dialogue, affirmer sa personnalité. Elle doit établir les pourquoi et le comment de ses actions quotidiennes. Elle doit trouver la bonne place sur la carte, son propre vocabulaire, ses expressions favorites.
Pour mériter la confiance de ses interlocuteurs, elle ne doit ni tricher ni mentir. Pour être pertinente, elle doit être cohérente. Ses choix, ses actions et leur expression doivent être alignés, à l’interne et à l’externe. Les dissonances sont manifestes et vite repérées : elles s’avèrent destructrices.
L’entreprise doit communiquer avec authenticité et sincérité. Tout comme nous.
Pour l’entreprise, comme pour l’individu, la culture est intangible, mais sa puissance est insoupçonnée. L’entrepreneur est invité à en prendre conscience. Il peut apprendre à la connaître, l’apprivoiser, se l’approprier et en faire un atout enfin visible.
A la lumière de la culture d’entreprise, il peut clairement tracer sa voix. Et tracer sa voie.
D’un marketing traditionnel désincarné à l’affirmation d’un véritable positionnement culturel, l’heure est au changement de cap.
Célébrons la culture d’entreprise ! Proche de l’humain, inscrite dans l’émotion et la sincérité, elle est le guide de l’entreprise du futur.